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Adios, recuerdos
22 mars 2012

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Je suis née le 25 janvier 1 941 par une nuit glaciale au 25 de la rue Gambetta. Des personnes charitables achevaient de coudre dans des draps ce qui seraient mes langes. Mon parrain avait pignon sur rueLes réfugiés politiques espagnols ne devaient pas être réquisitionnés pour la construction du Mur de l'Atlantique d'après des accords bel et bien signés mais tout rouge devenait suspect!

Après tant d'épreuves, mes parents se sentaient renaître... c'est peut-être pour ça que je m'annonçais mais ce n'était pas le bon moment; une idée saugrenue! Mon père, recherché, fut sauvé par ce médecin qui établit un certificat médical attestant qu'il était mourant, donc inutilisable. Ma mère, enceinte et claquant des dents tellement elle avait peur, ne parlant pas un mot ni de français, encore moins d'allemand, porta le certificat à la Kommandantur! Pendant plusieurs jours, mon père fut caché à Saint-Étienne par des amis: les Vidal. A eux aussi merci. puisqu'il tenait un salon de coiffure où ma mère faisait le ménage et lavait le. linge. Ma marraine était vendeuse sur les marchés. Ni l'un ni l'autre n'ont laissé de souvenir impérissable en moi. Ma marraine m'offrit lors d'un quelconque Noël un poupon noir. Quel présage! Je fus baptisée comme ma sœur et mon frère car ma mère était très croyante à sa façon vu qu'elle n'allait pas à l'église. A la mort de sa mère Barbara, elle avait quitté le couvent où elle se destinait à devenir religieuse, pour s'occuper de son beau-père et de ses deux frères, Fidel et Tomas. Ces quelques années passées au couvent lui avaient fait prendre conscience qu'étant de condition modeste, elle resterait sa vie durant la bonne des autres religieuses. Mon père la déniaisa vite et lui raconta ce que les républicains avaient découvert dans les sous-sols des églises incendiées: des cadavres de bébés notamment. J'ignore bien sûr si cela est vrai puisque je n'ai pas pu le vérifier bien que d'autres personnes m'aient conté la même chose. C'est ainsi que nous avons vécu, entre le Diable et le Bon Dieu: le Diable, c'était mon père, incroyant invétéré et dont le juron favori était: me cago en la virgen del Pilar de Saragossa! Injure grossière qu'il m'est difficile de transcrire et pour laquelle je prie les croyants de me pardonner, qui en gros signifie: j'emmerde la vierge Pilar de Saragosse! Lorsque je découvris le sens de cette phrase, tant de fois martelée, je demandais à mon père pourquoi il m'avait appelée Pilar? Il se tut un moment puis se mit à rire; plus jamais il n'alla jusqu'au bout de la phrase par la suite. Le Bon Dieu, c'était ma mère qui invoquait à longueur de journées tous les Saints du paradis et ponctuait ses phrases par des sentences qui me paraissaient redoutables, du style:

Dios castiga y sin palo

Hija eres, madre seras

Con la barra que mides, te midiran*

Dieu punit sans bâton, fille tu es, mère tu seras, on te jugera comme tu juges ta mère

 

 

 

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