préface

Préface

Tu as hérité des gênes de ta mère,

ce n' est pas de ta faute si tu es malade !

Cette petite phrase assassine m' a persécuté depuis plus de soixante dix ans. Elle a fait son chemin, telle la goutte d'eau qui use le quartz le plus pur. Elle m' a déstabilisé, rongé, culpabilisé jusqu'à faire disparaître en moi celle que j'étais. J'ai survécu en me repliant de plus en plus sur moi même, en m'éloignant des autres, en doutant des autres et surtout de moi. C' était le but recherché.

Lorsque je voulais parler pour extérioriser mes souffrances, on avait du travail,on parlait de choses sérieuses, on ne changeait jamais d' avis, on n'avait rien à se reprocher,on n'avait pas le temps d'écouter une folle qui aurait mieux fait d'aller voir un psy, on continuait sa vie en se demandant ce qu'on avait fait au Bon Dieu ou à ses saints pour se retrouver avec ce problème, sans jamais se remettre en cause.

Les années passaient, accumulant les rancoeurs, éternisant les silences, creusant des fossés de plus en plus profonds, d'où l' on ne peut plus s'extraire si ce n' est en quittant une vie qui ne vous intéresse plus ; cela nécessite une sacrée dose de courage ou d'inconscience que je n'avais pas ; je trouvais toujours de bonnes raisons pour ne pas le faire : mes enfants:je voulais les conduire jusqu'à leur majorité. Ils l'ont atteinte depuis longtemps et tu es toujours là m'a-t-on fait remarquer sarcastiquement.

Aujourd'hui, à plus de soixante-dix ans, je devrais commencer ou finir une vie plus calme. J'ai l'impression d'avoir rempli mon contrat et je n'ai plus rien d'autre à faire que partager avec eux le peu que j'ai, les aider dans la mesure du possible et attendre la mort sans trop de souffrances. Ce qu'ils savent de moi, c'est cette hargne, cette amertume, qui se sont accumulées, révélant des dégâts irréparables. On ne se défait pas si facilement de tant d'années d'incompréhension mutuelle.

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